Dans mon enfance, j’ai vu énormément de femmes rire pour ne pas s’apitoyer sur leur
sort. Des femmes dont la misère ouatait leur vie au quotidien. Je ne savais pas pourquoi
subitement l’une d’entre elles éclatait en sanglots ; ni pourquoi toutes les autres
semblaient être au courant. Je n’avais pas le droit de savoir. Même quand elles se
racontaient leurs « peines et misères », c’était une parole à granmoun qui était interdite
aux enfants. Et si, malgré tout, une de ces paroles s’échappait pour venir atterrir dans
mon oreille, il y avait toujours une de ces femmes aux aguets qui me faisait le geste
sacré d’une petite croix dessinée sur la bouche, pour me faire comprendre que cette
parole ne devait pas aller plus loin, sous peine d’une sévère volée de ceinture de cuir ou
de liane de calebasse sur le bas des reins.
C’est ainsi que mon lèstomak s’est transformé, au fil du temps, en congélateur, pour
préserver fébrilement toutes ces bribes de paroles de femmes ! Et Puis un jour, l’une de
ces paroles s’est décongelée en moi et est venue nourrir l’encre de ma plume pour
raconter la douloureuse histoire de Marta.
José JERNIDIER