La 4e édition de Festithéâtrecréole a eu l’opportunité de recevoir son grand public. En mode présentiel, sans restriction aucune, sans l’obligation de porter un masque au visage, comme c’était le cas durant la troisième édition. Elle était également en ligne pour donner la possibilité à ceux qui sont loin de nous d’être si près.
Toujours avec les mêmes objectifs de faire valoir la langue et la culture créole, cet événement annuel permet aux artistes créolophones d’exhiber leurs talents durant deux semaines consécutives. Aussi, avec le staff de l’administration de la Compagnie, la direction artistique du festival a-t-elle concocté une programmation à la hauteur de son expérience à travers les années. Nous ouvrons volontiers nos portes du 27 octobre au 5 novembre 2022 à toutes les communautés créolophones (guadeloupéenne, martiniquaise, mauricienne, guyanaise, malgache et haïtienne), ici présentes à Montréal.
L’ouverture du festival a eu lieu au Conseil des arts de Montréal. La responsable de la Culture et du patrimoine à la Ville de Montréal, madame Erica Alnéus, faisait office de représentante de la mairesse de la ville, madame Valérie Plante. Dans ce lieu ont été prononcés les propos de circonstance du directeur général de la Compagnie Théâtre Créole, Ralph Civil et celle de la directrice de Festithéâtrecréole, Madame Nerlande Gaétan. Pour la deuxième partie qui allait suivre la soirée, les musiciens, danseuses, danseurs, les diseuses et diseurs étaient au rendez-vous pour donner corps aux sonorités, aux rythmes, à l’expressivité des mots, à la densité de la langue dans sa pure beauté, évoquant des images, des sensations. Dans cette ambiance culturelle, un bon bouillon à la saveur haïtienne flattait le palais de nos convives. On notera que Maguy Métellus faisait office de maîtresse de cérémonie.
Force est de reconnaître que cette année, nous nous sommes rapprochées davantage de nos partenaires, en leur offrant la possibilité, la charge et la liberté
d’organiser des événements suivant les critères d’un festival à la hauteur de nos ambitions. Dans cette perspective, le Centre Toussaint a accueilli un trio d’intervenants autour d’une causerie sur la langue et la culture créole avec : Faubert Bolivar, notre invité d’honneur, madame Agnès Anestin et Manno Ejèn. Pour faire circuler la parole, Sandra Rabrun jouait le rôle de modératrice. À signaler que cette activité hybride a amplement suscité des réactions autant en salle qu’en ligne.
La Ludothèque l’Allée Léo de Saint Léonard a été l’hôte d’une belle soirée de conte pour enfants sous le label de la Maison de la famille de Saint-Léonard. À cette soirée, la directrice du festival a fait montre de son talent de conteuse. Elle a joué la carte de la tradition orale avec bonheur pour capter l’attention des enfants du début à la fin.
On ne manquera pas de souligner que cette ouverture sur nos partenaires a insufflé une bouffée d’oxygène sur notre équipe. En ce sens, ce relent de vitalité nous permettra d’avoir les yeux grands ouverts sur nos points forts et nos faiblesses dans le cadre de cet évènement.
Avec Internet, le festival a aboli les distances en rapprochant tout un chacun d’un lieu à un autre autour de Festithéâtrecréole. Ainsi, on a eu une causerie sur le théâtre en ligne avec un panel d’hommes et femmes de théâtre de différentes tranches d’âges et de diverses origines créoles : Stella Lemaine, Laïka Othello, Lyndz Dantiste, Réginald Germain, Joël Jernidier, David Mézy et Faubert Bolivar, l’invité d’honneur de cette édition.
Avec la modération du porte-parole, monsieur Lyndz Dantiste, la causerie allait porter sur la crise identitaire des artistes vivant au Canada. À ce stade de développement psychosocial, pour les jeunes sortant des universités de théâtre au Canada, cette question constitue véritablement un blocage pour leur avancement et leur épanouissement dans le domaine.
Après plus de 10 ans, Marie Maud Duclair et Jeff Chéry allaient retourner sur scène avec la pièce fétiche de Félix Morisseau-Leroy : Moun fou. Devant un public sélect, les acteurs ont fait preuve de professionnalisme. Pour avoir touché le cœur du public, ils ont eu des ovations. Manifestement, ce retour en scène vaut plus qu’une représentation, suivant les témoignages de l’assistance.
Le 29 octobre, le talentueux comédien guadeloupéen, Joël Jernidier, accompagné du percussionniste Joby Julienne, allait, – une fois de plus, dans le cadre de Festithéâtrecréole – faire montre de son talent de grand diseur à travers un montage de textes : « Sete on lendi maten ». Un choix d’assemblage de morceaux, de sons, d’effets concoctés pour le festival.
La 4e édition touche à sa fin tout en beauté avec la prestation de JESIKA, une pièce écrite, dirigée, jouée par l’invité d’honneur, Faubert Bolivar en complicité avec le pianiste canado-haïtien, David Bontemps. La pièce a eu l’approbation du public qui avait fait le déplacement. JESIKA, une pièce écrite depuis 2009, brûle d’actualité. Elle plonge au cœur des maux qui gangrènent le tissu social haïtien.
À propos de notre attente. Qu’en est-il ?
Elle est toujours la même, ce désir, cette volonté d’aller plus loin, plus haut, de toucher le cœur de la communauté afro-descendante, d’origine créole. Nous voulons donner le meilleur de nous-mêmes afin de donner une grande visibilité à notre culture riche, diverse qui alimente le monde en lui donnant un supplément d’âme.
Ce festival est une plateforme qui fait la promotion des artistes et la culture créole, il ouvre la voie aux créateurs, à leur talent, leur génie, leur cœur, à la sensibilité humaine qui fleure bon notre culture lorsque nous nous mettons ensemble pour réaliser de grandes choses.
Bien que le nombre de diplômés en théâtre n’arrête d’intensifier l’envie et l’engouement de nos jeunes pour ce beau métier du monde, la représentativité des Noirs sur la scène reste et demeure insignifiante. Eu égard à cette réalité, nous nous engageons désormais à créer des opportunités dans l’univers du théâtre à ces jeunes talents noirs qui ont besoin d’encadrement. Dans cette perspective, notre staff managérial d’origine haïtienne veut prêcher par le bon exemple à toute la communauté des Noirs et les créolophones en particulier pour que le futur du théâtre sur cette terre d’accueil tienne la promesse de la fine fleur de la sensibilité humaine qui change le monde et la vie, pour reprendre la belle formule du poète surréaliste français, André Breton.
Ralph Civil, Directeur de la Compagnie Théâtre Créole